We ain't perfect but that's alright. (margaret)

Le vent froid frappe mon visage, les mains dans les poches, couverte jusqu'aux oreilles, je tente de lutter contre la température de la ville. Je marche, un pas devant l'autre, écoutant une vieille musique des années 80. Je bouscule une passante sans faire exprès, elle a l'air énervé d'avance, elle m'insulte, me regarde froidement. Je ne dis rien, je reste calme. C'est mon habitude, je ne veux pas cherche les ennuis, mon passé est bien trop rempli de problèmes, à quoi bon en ajouter ? Je n'arrive pas bien à comprendre le comportement des gens qui m'entourent, ils sont tout le temps nerveux.
A midi j'ai un rendez-vous, avec une amie, elle a eu le même problème que moi : l'anorexie.  Ce n'est pas bien facile de se remettre de ce genre de trouble. Il faut commencer à réapprendre à manger, suivre une thérapie précise avec un psychologue. J'ai trouvé du réconfort avec mes proches, ils m'ont aider à manger, ils tentaient tous de me faire des petits plats attirants, avec ce que j'aimais le plus. Je rentrais à l'intérieur du restaurant, nous allions goûter à de la bonne gastronomie française. C'est étonnant de se dire que deux « anciennes » anorexiques se donnent rendez-vous dans un restaurant. Mais nous aimons ce petit rituel, assez timide lors de notre rencontre, mais au fil du temps nous nous sommes données des rendez-vous dans les divers restaurants de la ville, alors qu'au début il était très dur de finir nos assiettes ou même de passer une quelconque commande, nous avons progressé. Et nous avons une règle d'or, lorsque nous sommes au restaurant, nous oublions les plus gros problèmes. […] Je m'installais à la table réservée.

C'était le jour qu'elle attendait chaque mois. Ce midi, c'était le jour où elle avait rendez-vous avec France. Durant sa vie, il y a une période qui a été plus difficile que les autres. L’anorexie était entrée en elle, petit à petit. Elle s’était sournoisement installée en elle et il était alors bien difficile de la déloger. Son régime alimentaire plus que particulier avait été une excuse pour sauter des repas ou se contenter du strict minimum. Mais aujourd’hui elle allait mieux, beaucoup mieux. Cette période est loin derrière elle et France lui rappelait tout ce qu’elle avait traversé. Les rendez-vous chez le psychologue, le nutritionniste, la surveillance maladive des membres de la famille pour voir si on a mangé, la peur de la rechute, de ne pas y arriver. Elles avaient traversé ça ensemble, dans la salle d’attente du psychologue. Et c’est une jolie revanche sur la vie quand on voit les deux qui se voient régulièrement au restaurant. Pour se soutenir et se dire que c’est derrière elles. Bon, elles sont très loins d’être devenues des ogres mais finir son assiette est déjà pas si mal. Margaret regardait sans cesse l’heure et dès qu’elle put quitter son travail, elle se précipita dans la rue pour retrouver rapidement son amie. Elle allait être en retard, elle le savait. France avait trouvé LE restaurant pour cette fois ci, un restaurant de gastronomie française. Autant faire honneur à son nom et les Français sont plutôt réputés pour avoir un bon coup de fourchette. La jeune fille arriva enfin devant le restaurant et on lui indiqua la table qui lui était attribuée. Comme elle s’en doutait, France était déjà arrivée. Margaret afficha un sourire radieux et prit son amie dans ses bras pour la saluer « Excuse moi ma belle je suis en retard ? Tu vas bien ? » Depuis son retour à Athens, c’était un vrai plaisir de reprendre des vieilles habitudes et de revoir les gens à qui elle tenait beaucoup. Elle s’assit en face de son amie, sa positive attitude et son dynamisme ne la quittaient plus. Sans prendre le temps de regarder la carte, Margaret enchaîna immédiatement « Alors quoi de neuf depuis le temps ? »