sisters's keeper (cece).

C’est avec un long soupire que Carey fermait à clé la porte de son bureau. Le silence qui régnait dans le bâtiment était tant apaisant qu’inquiétant, elle devait être à nouveau la dernière à sortir. La charge de travail à rattraper était intense et sa vie professionnelle avait battu sa vie personnelle depuis plusieurs semaines. La brune troqua ses talons contre des baskets, monta sur son vélo et arriva chez elle avant la tombée de la nuit. Elle soupira à nouveau lorsqu’elle entra dans sa maison plongée dans le noir et dans le calme. Sa vie lui plaisait mais la solitude qu’elle éprouvait en rentrant chez elle commençait à la ronger. La brune déposa ses affaires dans l’entrée et fit le reste du chemin vers la cuisine pieds nus, sous le parquet froid. Elle ouvrit le frigo pour y apercevoir du vide. A part trois bouteilles de vin et de la moutarde, il n’y avait rien. Nouveau soupir. Son estomac gargouillait lui laissant trois options : 1) commander à manger (et se faire draguer par le livreur boutonneux de 10 ans son cadet) 2) faire un tour au supermarché (et risquer de faire une rencontre hasardeuse) 3) aller chez maman (et se faire taper sur les doigts pour ne pas avoir un frigo rempli). Aller chez maman semblait être la meilleure solution mais cela voulait dire qu’il fallait remettre ses chaussures… Non, commander un repas était une meilleure option car maman était certainement au club de lecture.
Elle prit son téléphone qui affichait un message de sa sœur jumelle : « you better be home, Jaime and I are coming ! » Un sourire énorme (digne d’une publicité de dentifrice) s’afficha sur les lèvres de Carey et sensation de chaleur fit apparition de son cœur. Son sentiment de solitude se dissipa en un instant. Depuis le décès de leur papa, la famille Neal s’était rapprochée comme jamais et les jumelles se sentaient encore plus liées. Comme quoi, même dans les plus grands malheurs, des petits bonheurs peuvent apparaître.

La tête posée sur une main pendant que l’autre fait bouger la souris de l’ordinateur portable, Cece cligne des yeux un nombre incalculable de fois, ils commencent à picoter. Ayant le regard rivé sur l’écran depuis plusieurs heures, la jeune femme commence à sérieusement fatiguer, elle remarque d’ailleurs son manque flagrant de productivité depuis un bon moment. La fatigue et son esprit, surtout son esprit l’empêchent de retrouver une quelconque concentration.  Sa conversation plutôt mouvementée de la veille avec Liam la travaille encore.  Fatiguée d’être fatiguée  à ne rien faire,  elle se décide finalement à fermer l’appareil d’un coup sec, avant de s’étirer les bras sur sa chaise de bureau. Elle se lève ensuite, déterminée, et se dirige vers la cuisine où elle attrape une petite bouteille d’eau, qu’elle boit d’une traite. C’est l’avantage de travailler à domicile,  avoir tout à portée de main, et pouvoir se balader pieds nus sans ce que cela ne dérange personne. Elle jette un coup d’œil à sa montre, l’heure d’aller cherche Jaime approche à grands pas.  Jusqu’à il y a quelques mois, Cece gardait le bambin  à ses côtés, c’est un autre aspect du travail à la maison qu’elle appréciait tout particulièrement ; sauf  que le petit garçon lui prenait tout son temps, littéralement. Cette petite boule d’énergie nécessite une attention particulière, qu’elle ne peut lui accorder lorsqu’elle se penche sur les différents projets dont elle est en charge. Et puis, elle regarde autour d’elle ; l’envie soudaine de changer d’air lui prend. Dans la foulée elle envoie un message à sa sœur jumelle, la consignant à domicile en lui annonçant son arrivée imminente. Dans un sac elle met le nécessaire pour Jaime, elle, se contentera d’à  peu près tout emprunter à Carey. Comme un besoin urgent de quitter la maison devenue endroit de grandes tensions, elle la quitte une quinzaine de minutes plus tard. Cece récupère l’enfant chez l’assistante maternelle improvisée du quartier à pieds, ils prennent la direction de chez Carey, à deux pâtés de maison de là. Une fois arrivés devant chez elle, Jaime reconnaît la façade de la maison de sa tante, ce qui arrache un sourire à la jeune mère. « Be careful baby ! » Il court à toute vitesse vers la porte d’entrée qui s’ouvre alors qu’il arrive à sa hauteur.  Cece distingue Carey à travers l’encolure de la porte, et la salue à sa manière. « I am starving, what have you been cooking for me ? » Elle sourit malicieusement avant d’étreindre sa sœur, et d’entrer à son tour.

On lui avait toujours dit que la gourmandise était un vilain défaut. Certes il l’était (et ça ne la dérangeait pas) mais pour Carey, le vilain défaut qui la caractérisait était l’impatience et c’était ce qu’elle ressentait en ce moment présent. Il fallait donc qu’elle s’occupe pendant les vingtaines de minutes qui suivaient le texto de sa sœur. Prendre deux verres dans l’armoire, sortir une bouteille de vin et les déposer dans le salon : 2 minutes. Encore 18 à tuer. Un tour aux toilettes – à l’étage de préférence – et un lavage de mains : 3 minutes. Encore 15 minutes pour tourner en rond. Carey n’arrivait pas à s’empêcher de regarder par la fenêtre toutes les 30 secondes en se demandant s’il existait une thérapie pour guérir l’impatience. Elle allait devoir se renseigner plus tard car par la vitre, elle aperçu sa jumelle accompagnée de Jaime. La brune s’empressa d’ouvrir la porte d’entrée et d’accueillir son neveu. « Hello cutie pie ! » Elle se mit à son niveau et le prit dans les bras tout en l’embrassant sur les joues. Elle pourrait le bouffer. Carey en était folle, elle ne savait pas qu’il lui était possible d’éprouver autant d’amour pour une si petite chose et ce n’était pas le sien… Avant de l’étouffer et afin d’éviter un malheur, elle le lâcha, se releva et accueillit sa sœur.  « I am starving, what have you been cooking for me ? » Classique Cece. C’est pour ça qu’elle l’aime. « Well, hello to you too, evil bitch. » Un sourire et une étreinte plus tard, Carey ferma la porte à clé. « Actually, it was you turn to bring something to eat. My house, my wine, your food. » Elle marqua une pause, lui passa la langue et se mit à sourire. Voir sa sœur était une habitude mais jamais elle ne pourrait sans lasser. Elle regrettait d’ailleurs les nombreuses disputes et journées passées à ne pas se parler lors de leur adolescence. Sa jumelle était réellement sa moitié et sans elle, la vie serait réellement triste et vide. Perdre son papa avait été une terrible épreuve, il était donc hors de question de perdre un autre membre de sa famille. La jeune femme ouvrit la bouteille de vin et servit deux verres. « Cheers my love. » Elle prit une longue gorgée du doux breuvage. « How are you ? »